lundi 19 novembre 2007

La question de la primauté du droit international

Le droit international est l’ensemble des règles juridiques régissant les rapports entre les Etats souverains, auxquels s’ajoutent aujourd’hui celles qui gouvernent les rapports entre les entités ou des personnes dotées de compétences d’ordre international. (Gérard Cornu)

Les sujets originaires du droit international sont les Etats souverains, et par extension actuelle « les entités ou des personnes dotées de compétences d’ordre international » que sont les Organisations Internationales, les Organisations Non Gouvernementales, voire, même les individus.

Ce droit international est issu des relations ayants toujours existées entre les Etats. Alors que antérieurement, ces dernières consistaient souvent en des déclaration de guerre en cas de conflits entre les Etats ; le droit international actuel a vocation à ce que les différends se règlent de façon diplomatique et pacifique.

Ainsi, les Etats souverains se voient donc imposer un comportement dans leurs relations internationales. Si ces normes ne contreviennent pas à la souveraineté des Etats, à la Summa potestas, qui est le caractère suprême d’une puissance, c’est parce que le droit international n’est applicable que dans la mesure ou il a été consentie par l’Etat. En effet, il n’existe pas d’entité supérieure aux Etats, et rien ne peut leur être imposé, en raison de ce principe de la souveraineté de l’Etat. Mais concernant le droit international, celui-ci est crée par les Etats, pour eux, et même appliqué par eux.

Par exemple un traité international, pour pouvoir être invoqué à l’encontre d’un Etat, doit avoir été ratifié par lui.

Ainsi, le droit international crée donc des normes qui s’imposent aux Etats. Seulement, bien que ces normes soient crées par les Etats, elle ne le sont pas par leurs institutions législatives, ou par leurs constituants, et se pause alors le problème de la place du droit international dans la hiérarchie des normes. En effet, ces règles internationales ne sont ni des dispositions constitutionnelles, au sommet de l’ordre juridique interne, ni des dispositions législatives, ou même réglementaires. Elles ne sont, en fait, définies dans aucune théorie de la pyramide des normes, et alors qu’elles sont applicables en droit interne, quelle serait l’issue d’un conflit entre une telle norme, et une disposition interne à l’Etat ? Le droit international prime-t-il sur le droit interne ?

Cette question de la primauté du droit international sur le droit interne ne possède pas une solution universelle, et reste en suspend. Ainsi, de nombreux auteurs s’y sont intéressés, et ont ainsi évoqué plusieurs théories (I), mais qui n’ont pas totalement convaincues, et diffèrent ainsi de ce qu’on peut observer en pratique (II)


I, La place du droit international par rapport au droit interne d’un point de vue théorique.

Deux grandes théories ont été dégagées dans le but d’expliquer le rapport existant entre le droit interne et le droit international.

L’une considère le droit interne et le droit international dans un même ordre juridique, il s’agit du courant moniste (A), et l’autre distingue ces deux droits, il s’agit du courant dualiste (B)

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A, Le monisme

Le courant moniste considère que le droit international et le droit interne appartiennent à un même ordre juridique, et interagissent l’un avec l’autre. Selon eux, il n’y a pas de frontières entre ces deux droits, et donc le droit international peut régir les rapports juridiques des individus.

Ce courant de pensée est toutefois divisé en deux sous catégories.

Tout d’abord, le monisme à primauté du droit interne qui estime que le droit international et le droit interne ne forment qu’un seul est même corps de règle, applicable par les mêmes organes aux mêmes sujets ; mais qu’en cas de discordance entre deux règles, le droit interne doit primer sur le droit international, et notamment, la loi sur le traité.

Le monisme à primauté du droit international, quant à lui, part du même postulat de départ : Il y a une unité du système juridique entre les deux droits, mais au bénéfice du droit international.

D’après H. Kelsen, les règles internes dérivent des règles internationales qui déterminent les compétences des Etats, et ne peuvent donc leur être contraire. Ainsi, le droit interne étant issu du droit international, ce dernier doit primer en cas de conflit entre deux règles. Il s’agit ici d’une conception normativiste

G. Scelle, quant à lui, opte pour une conception objectiviste, et estime que la hiérarchie devrait s’exprimer au travers d’un fédéralisme universel qui reste à construire. Ainsi, tous les Etats seraient soumis à une entité supérieure qui, édictant les règles de droit international, pourrait les imposer aux Etats.

En revanche, toute la doctrine moniste s’oppose à l’élaboration d’actes de transpositions permettant l’applicabilité du droit international en droit interne. D’après elle, si les deux droits font partie d’un même ordre, les règles issues du droit international devraient être d’applicabilité directe en droit interne.

Il paraît cependant difficilement concevable que toutes les dispositions du droit international soient directement applicable en droit interne, et dans tous les Etats concernés. Il faudrait alors que chaque norme soit suffisamment précise pour ne pas nécessiter d’acte de transposition, ce qui rendrait probablement très lourd ou trop riche une telle norme.

Ainsi, la doctrine moniste, bien qu’attirante sur certains aspect, reste difficilement praticable en l’Etat actuel des relations internationales. D’autres auteurs se sont donc penché sur une autre théorie : le dualisme.

B, Le dualisme

Du point de vue dualiste, et à l’opposé de la doctrine moniste, il existe une distinction nette entre les deux ordres juridiques.

Ainsi, le droit interne et le droit international s’appliquent à des sujets et des situations juridiques différentes, et n’ont ni le même but, ni le même objet. Par exemple, un traité inter étatique est destiné aux organes de l’Etat en charge des relations internationales, et ne concerne pas directement les individus. Pour qu’il soit applicable en droit interne, il faut un double mécanisme de réception et transposition. La réception est caractérisée par la promulgation du traité. Tant que celle ci n’a pas été réalisée, ce dernier n’entre pas dans l’ordre juridique interne, et n’y crée donc aucun effet. Ensuite, pour être applicable, le traité international doit faire l’objet d’acte de transposition, qui sont des dispositions de droit interne prévoyant les modalités d’application du traité.

Cette conception correspond à celle que nous connaissons en droit communautaire, avec les directives qui ne sont pas directement applicables, mais doivent obligatoirement être prise en compte par les Etats membres. Ainsi, ceux-ci doivent prendre les mesures nécessaires pour appliquer une directive communautaire, et dans le cas contraire, ou si une norme interne est contraire à cette directive, elle ne sera pas nulle, mais pourra engager la responsabilité internationale de l’Etat.

La doctrine dualiste interdit donc toute interaction entre le droit international et les individus, sans l’intervention de norme du droit interne.

Cependant, dans la pratique, aucune de ces théories en particulier n’a été retenue, mais on ne peut cependant pas dire qu’elles sont inutiles. En effet, bien que les rapports entre le droit international et le droit interne dépendent de chaque Etat, on peut trouver une trame commune qui correspondrait à une prédominance moniste avec cependant une persistance de dualisme.


II, La relation entre droit interne et droit international d’un point de vue pratique

Les deux théories étudiées précédemment ne trouvent pas un reflet parfait dans la pratique. Mais loin d’être ficitives, elles inspirent largement la pratique. En effet, même si le droit positif ne consacre ni une pure juxtaposition des ordres internes, ni leur unification au profit du droit international, il assimile des caractéristiques de chacune des théories et les fait coexister. Ainsi, le droit positif en général est marqué des emprunts à ces deux théories (A), et le droit français en est un exemple significatif (B).

A, Le droit positif

Même s’il est difficile de synthétiser l’ensemble du droit positif international, on peut tenter d’en transcrire quelques particularités. Ainsi, pour régler les relations entre le droit interne et le droit international, le droit positif établit d’abord une autonomie de chaque ordre, ce qui reflète une influence dualiste, mais en même temps consacre leur interdépendance, marque de monisme.

Concernant l’autonomie de chaque ordre, on remarque tout d’abord qu’il appartient à l’ordre interne de déterminer la place qu’occupe en leur sein le droit international. Ainsi, le droit international ne peut trouver application en droit interne sans une intervention de celui ci.

En contre partie, les dispositions de droit interne, non conformes à des règles de droit international, ne peuvent être annulées, ou invalidées, et plus généralement condamnée, en droit interne par une instance internationale. Elle sont seulement dépourvues d’effet dans l’ordre international.

Le même raisonnement s’applique au droit international, qui décide de la manière de prendre en compte le droit interne.

Cependant, même si le droit positif établit une autonomie entre le droit interne et le droit international, il les fait coexister en créant une interdépendance entre eux.

En effet, le droit international étant un droit créé par et pour les Etats, dans le but d’améliorer leurs relations internationales, il existe forcément un rapport entre lui et le droit interne. En fait, cette interdépendance des deux ordres juridiques est intrinsèque au droit international, et le droit international et le droit interne ne pourraient exister l’un sans l’autre dans leur version contemporaine, compte tenu de l’amplification des relations entre les Etats et de l’importance croissante de la société internationale.

Ainsi, après avoir envisagé de façon général la relation entre le droit interne et le droit international en droit positif, il convient d’étudier, plus précisément, le système français, pour une illustration concrète.

B, L’exemple français

En France, la partie du droit international la plus présente et la plus active est en fait un droit régional : Le droit communautaire.

En effet, la Constitution de 1958 prévoyait originellement une conception moniste de la coexistence entre le droit international et le droit interne. Mais des modifications sont survenues, avec des révisions constitutionnelles, notamment à la suite des traités de Maastricht et Amsterdam, en 1992, et 1999.

Ainsi, la Constitution française fait figurer dans plusieurs de ses articles des dispositions relatives au droit international (ou communautaire) et à son application.

Tout d’abord, le préambule de 1946, et son alinéa 14 dispose :

« La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit international public. » Apparemment, cette disposition serait relative à la Coutume internationale, mais ne précise cependant aucune modalité de transposition, ou d’application. Ceci reflète donc la conception moniste, originellement prépondérante en droit français.

De plus, l’alinéa 15 du Préambule de 1946 dispose que : « Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix » Cette disposition concerne l’organisation internationale chargée, notamment de faire respecter la Charte des Nations Unies. Cependant, comme la précédente, elle est floue, et pose même quelques difficultés, relatives aux notions de réciprocité et de souveraineté.

Ensuite, l’article 55 de la Constitution de 1958, dispose : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »

Ainsi, cet article exprime une tendance dualiste, avec la nécessaire intervention d’un acte de droit interne, la publication, pour l’entrée en vigueur des traités ou accords internationaux. Il existe donc en droit français, une double emprunte, moniste et dualiste, des relations entre le droit international et le droit interne.

Mais la particularité de cet article, est qu’il expose la primauté du droit international sur le droit interne, et notamment sur la loi. Le tempérament de cette règle est la notion de ratification régulière, contrôlée par le juge, et de réciprocité, qui doit être appréciée par le ministre des affaires étrangères.

Cependant, malgré cette disposition, le juge français a pu s’interroger sur l’applicabilité de cette règle lorsque le conflit était relatif à une norme internationale, régulièrement ratifiée, publiée, et dont la condition de réciprocité était vérifiée, mais confrontée à une loi postérieure à sa ratification.

Traditionnellement, les juges français administratifs et judiciaires, refusaient de faire primer une norme internationale sur un loi postérieure. Cependant, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 15 janvier 1975, ne tranchait pas la question, mais la laissait à la Cour de Cassation, et au Conseil d’Etat, en affirmant qu’ « une loi contraire à un traité n’est pas pour autant contraire à la Constitution »

Suite à cette décision, la Cour de Cassation, dans une arrêt du 24 mai 1975, Jacques Vabre, a fait prévaloir les dispositions d’un traité, même sur une loi postérieure.

Le Conseil d’Etat, quant à lui, est resté plus longtemps réticent à adopter une telle position, et il a fallut attendre l’arrêt Nicolo, (C.E., Ass, 20 octobre 1989) pour une uniformisation de la jurisprudence judiciaire et administrative.

Ainsi, depuis 1989, en droit français, la norme internationale prime sur la norme interne, et plus précisément sur la loi, même postérieure au traité.

samedi 17 novembre 2007

La primauté du Droit International

(ce devoir a été élaboré par Audrey MONTANTIN et Naïma ORVILLE)

I. Le principe de primauté du DIP, une reconnaissance unanime mais une pratique nuancée

A. Primauté du droit international : de la réflexion à l’affirmation du principe
L’autorité du droit international varie d’un ordre juridique à l’autre, la doctrine a donc proposer de distinguer schématiquement deux modalités des rapports entre droit international et droit interne. Toutefois ce sont les textes fondateurs qui signeront la fin de ces controverses doctrinales.
1) Les théories doctrinales.
Elles relèvent de deux conceptions: l'une dite "dualiste", l'autre "moniste".
*Théorie dualiste (panneau)
Elle découle des conceptions volontaristes des fondements du caractère obligatoire du Droit International Public. Cette théorie a été exposée par les auteurs positivistes allemands Heinrich Triepel (1899), Helborn, Strupp et italiens Dionisio Anzilotti (1905) et Cavaglieri.
Elle considère que le droit interne et le droit international constituent deux systèmes juridiques égaux, indépendants et séparés. La valeur propre du droit interne est indépendante de sa conformité au Droit International.
Heinrich Triepel, qui est le père de cette théorie évoque les arguments suivants:
• Les sources des deux droits sont différentes:
-droit interne = volonté d'un seul État-Droit International = volonté de plusieurs Etats.
• Les sujets de droit ne sont pas les mêmes:
-droit interne = individus ou individus-Etat -Droit International = Etats entre eux
L’illégalité internationale d’un acte de l’état n’en obligera pas moins ses sujets d’exécuter un acte irrégulier au regard du Droit International (c’est le cas par exemple des lois racistes, de ségrégation, etc.…).
Il y a donc des lois nulles en Droit International et valables en Droit interne, ce qui prouve bien qu'il y a opposition complète entre les deux droits qui se meuvent sur deux plans sans jamais se pénétrer.
Donc il ne peut y avoir, dans aucun des deux systèmes juridiques, de normes obligatoires émanant de l'autre ni de conflits possibles entre les deux ordres juridiques.
L'Etat étant à la fois sujet de Droit International et créateur de droit interne est en principe tenu de l'obligation de conformer son droit interne à ses engagements internationaux.
Mais la sanction du non accomplissement de cette obligation est quasi inexistante. En effet si le droit interne n'est pas conforme au Droit International, la responsabilité internationale de l'Etat sera certes engagée mais l’on n'ira pas, concrètement, au delà.
Pour être applicable sur le plan interne, une règle de Droit International devra être au préalable "transformée" en règle de droit interne (par la promulgation par exemple).
Ce mécanisme est appelé par les tenants de la théorie dualiste la « réception » de la norme en droit interne. Les deux ordres étant totalement séparés la seule possibilité qui existera sera uniquement le renvoi de l'un à l'autre.
Cette option est retenue par l’Italie mais l’exemple type reste celui de l’Angleterre qui avec son régime parlementaire place dans sa hiérarchie des normes, les actes législatifs au sommet.
Et c’est ici que la citation « le parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme » prend tout son sens.

*Théorie moniste
Cette théorie repose sur l'idée de départ que le Droit International et le droit interne constituent un seul et même ensemble dans lequel les deux types de règles seront subordonnés l'un à l'autre.
Naturellement deux options seront possibles et, selon les auteurs, nous pourrons observer soit un monisme avec primauté du droit interne, soit un monisme avec primauté du Droit International.
Le monisme avec primauté du droit interne (panneau)

Cette conception de la théorie est présentée en Allemagne par "L’Ecole de Bonn" qui regroupe des auteurs tels que Zorn, Erich Kaufmann, Max Wenzel (1920) Decencière-Férrandière (pour la France), elle a par ailleurs inspiré largement la conception "soviétique" du droit international. Elle pose les principes suivants :
- le Droit International découle du droit interne;
- le droit interne est supérieur au Droit International;
- le Droit International ne serait qu'une sorte de "droit public externe" de l'Etat.

Les tenants de cette théorie considèrent qu’en l'absence d'autorité super étatique l'Etat détermine par conséquent librement ses obligations internationales et reste seul juge de la façon dont il les exécute.

Le monisme avec primauté du Droit International (panneau)
Cette conception de la théorie moniste exposée par "l’Ecole normativiste autrichienne" est soutenue par des auteurs tels que Kunz, Kelsen, Verdross et en France par Duguit, Scelle, Reglade, Politis, Bourquin, Le Fur, et Pillet.
Elle considère que :
- le droit interne dérive du Droit International;
-le Droit International est supérieur au droit interne qu'il conditionne;
-les rapports entre Droit International et droit interne seraient comparables à ceux existant, dans un État fédéral, entre le droit des Etats membres et le droit fédéral.
Cette théorie, est dominante aux Etats-Unis, en Espagne et en France. D’ailleurs cette théorie ne vaut que pour le traité d’application directe, pour les autres traités la transposition est exigée et c’est le juge national qui se prononce sur le caractère directement applicable d’un traité international avec 2 conditions :
-l’intention des parties
-la précision et la clarté des dispositions

*Les critiques des théories
A propos de la théorie dualiste on peut dire que sur le plan de la logique il est difficile de maintenir, scientifiquement que deux règles contraires, régissant les mêmes matières et les mêmes sujets, puissent être l'une et l'autre valables.
Si Droit International et droit interne ont pour destinataires finaux les individus, ainsi que le soutient Georges Scelle, on peut difficilement admettre au nom du dualisme que, contraires, elles soient toutes deux valables.
Dans les faits, des traités ont pu s'appliquer sur le plan interne sans "réception" ou promulgation. C'est à dire, sans qu'il soit nécessaire, ainsi que le soutient la théorie dualiste de les transformer en droit interne.
La théorie du monisme avec primauté du Droit International pour sa part est considérée comme insuffisante et contredite par le Droit International positif.
Si l'argument évoqué par les partisans de la théorie moniste avec primauté du droit interne, peut éventuellement être retenu à l'égard des traités dont on ferait reposer la validité sur la constitution étatique, il reste sans valeur pour toutes les normes internationales qui ne sont pas de nature conventionnelle, notamment pour les règles coutumières.
Si les obligations internationales reposaient sur la constitution étatique, elles devraient disparaître en même temps que la constitution sur la base de laquelle elles auraient été contractées - (particulièrement en cas de changement d'ordre constitutionnel à la suite d'une révolution).
La construction moniste avec primauté du Droit International, quoi que plus satisfaisante pour l'esprit, s'est vue adresser certaines objections :
• On lui a reproché de supprimer toute distinction entre Droit International et droit interne, en les fondant dans un droit universel unifié.
• Elle ne correspondrait pas à la vérité historique - (critique volontariste de Triepel et Anzilotti) - car on constate que c'est d'abord le droit interne qui apparaît.
• Elle méconnaîtrait des données formelles du droit positif.
Le monisme avec primauté du Droit International implique en effet une "Théorie de l'abrogation automatique des normes inférieures contraires" (et par conséquent du droit interne éventuellement contraire) que l'on ne constate pas en droit positif.
Contrairement à cette théorie en effet, continue de s'appliquer en droit positif le "principe de l'acte contraire".
2) L’affirmation du principe par les textes
Si lors de l’émergence du Droit international sa primauté a donc fait l’objet de vives controverses doctrinales opposant les deux théories, celles-ci se sont essoufflées par leur insuffisance ou excessivité mais aussi par la création de textes fondateurs du Droit International Public.
Avec l’apparition d’un Droit International contemporain la thèse de l’émergence d’un Droit impératif c’est-à-dire d’un Droit dont le respect s’imposerait de manière absolue s’est observée progressivement dans la doctrine internationaliste. C’est d’ailleurs ce qu’a prôné M. NGUYEN QUOC DINH et son collègue et disciple M. PELLET.
Le Droit International se déployant dans un ordre juridique, il a fallu admettre que ce dernier repose sur un minimum de règles impératives, faute de quoi l’ordre international ne correspondrait pas à un système de normes juridiques. Cet ordre juridique comble donc l’absence de législateur dans l’ordre international ainsi le Droit impératif serait donc assimilable au « Droit constitutionnel international ». La Convention de Vienne sur le Droit des traités du 23 mai 1969 dénomme ce Droit impératif le « jus cogens » (par opposition au jus dispositium). Son article 53 précise : « une norme impérative…est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale dans son ensemble ». Ainsi, à travers la ratification de la Charte des Nations Unies ou encore celle de la Convention de Vienne (qui sont des textes fondateurs du Droit International Public), les états ont reconnu cette primauté du Droit International sur le Droit interne. Article 27 de la Convention de Vienne : « une partie ne peut invoquer une disposition de son droit interne comme justifiant la non exécution d’un traité ».
Le principe de primauté du Droit International est donc affirmé par le JUS COGENS et par conséquent devrait être imposé de manière absolue, pourtant la pratique est bien plus complexe.

B. Une primauté nuancée dans la pratique

La pratique fait apparaître un paradoxe, celui d’un Droit fait pour mais par les états. La nature conventionnelle même du Droit International public fait de lui un droit volontariste. On se trouve donc dans une structure horizontale dans laquelle chaque entité est égale. C’est leur volonté et elle seule qui peut engager les états et faire naître à leur égard certaines obligations. Dès lors la volonté des états est essentielle au Droit International public, sans elle pas d’engagement, et sans engagement il n’y a pas de droits et d’obligations pouvant naître à l’égard des états. Autant dire que le Droit International n’aurait plus de raison d’être. Une fois l’obstacle de la volonté dépassé reste encore celui de la souveraineté. Oui en effet par le biais du Droit International les états ont voulu uniformiser les règles de droit régissant leurs relations mais ils n’ont pas pour autant renoncé à leur souveraineté. Or cet Impérium étatique est quasiment insurmontable. On touche là à la nuance qu’apporte la pratique au principe de primauté du Droit international. Il apparaît en effet difficile de concevoir que des entités qui se veulent « souveraines par-dessus tout » doivent ou même puissent se soumettre au Droit et voient leur liberté d’action limitée par lui.
On imagine donc facilement que la souveraineté des états peut constituer un obstacle à l’application du principe de primauté, certains auteurs vont même jusqu’à parler de « souveraineté écran ». Cet obstacle se matérialise souvent à travers les constitutions dans la place qu’elles attribuent aux normes internationales dans l’ordre interne. L’analyse des énoncés constitutionnels permet de s’en rendre compte très rapidement. S’il est vrai en effet qu’un très grand nombre de textes constitutionnels contemporains comportent notamment dans leurs préambules et articles introductifs, l’engagement général de se conformer aux « règles du droit public international » (alinéa 14 du préambule de la Constitution française de 1946), aux « règles généralement reconnues du droit international » (article 10 de la Constitution Italienne du 27 Décembre 1947) ou aux « règles du droit international généralement acceptées » (article 28 de la Constitution Grecque du 9 Juin 1975) ces formulations demeurent comme beaucoup d’autres très ambiguës quant à la position respective du Droit International, notamment conventionnel, et des normes internes, constitutionnelles et législatives.
En réalité les options adoptées par les droits internes sont diverses.
Si des pays comme l’Espagne, le Portugal, la Belgique ou encore les Pays-Bas confèrent à la norme internationale une valeur constitutionnelle et assurent donc une primauté effective du Droit international sur leurs normes internes, la France fait primer sa constitution sur la norme internationale. L’article 55 de cette constitution énonce que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois… ». La norme internationale a dans l’ordre juridique national français une valeur supra législative mais infra constitutionnelle. Notons au passage que la France pose une condition à cette valeur supra législative : la condition de réciprocité.
D’autres états placent encore plus bas la norme internationale dans la hiérarchie des normes.
Les Etats-Unis lui confèrent en effet une valeur législative. Le Royaume-Uni quant à lui, même s’il ne possède pas de Constitution écrite n’accorde qu’une place infra législative à la norme internationale.
Il est clair que la primauté du Droit International public dépend de la place qui est attribuée à ses normes dans les droits internes. Mais elle dépend aussi du mode de transposition des normes internationales dans les ordres juridiques internes. Ce qui nous amène directement à nous poser la question de l’applicabilité directe de la norme internationale.
Si le Droit international nécessite la plupart du temps une transposition dans l’ordre interne, ce n’est pas le cas du droit communautaire qui faisant partie de l’ordre juridique international a une ampleur toute particulière.
En effet pénétrant directement dans l’ordre interne des états membres le règlement communautaire (mais aussi toutes les autres normes qui par extension bénéficient de l’applicabilité directe invocable devant le juge national par les particuliers) rentre en bien des cas en conflit avec des normes du droit interne ayant le même objet.
Comment dans ces conditions garantir l’unité d’application du droit communautaire à travers tous les états membres si l’on maintient pour chacun d’entre eux la possibilité de déroger à la règle communautaire en s’abritant derrière les dispositions d’une législation nationale qu’ils pourraient faire varier à leur convenance ? Pour éviter de tels agissements individuels des états qui aboutiraient à ruiner tout effort pour construire l’intégration économique supposée par l’édification du marché commun, la Cour de Justice des Communautés Européennes a posé un peu plus d’un an après l’arrêt VAN GEND LOOS dans son célèbre arrêt de principe COSTA/ENEL qu’il n’y avait qu’une solution : imposer la primauté du droit communautaire sur le droit national.
L’Union Européenne dont la finalité est intégrative fonde donc un ordre juridique propre et original par rapport à l’ordre juridique international.
Cette force intégrative, c’est elle qui légitime la primauté du droit communautaire, il aurait donc fallu que le droit international ait cette même assise. Seulement il semble ne pas disposer d’institutions qui lui permettrait d’assurer une primauté souveraine, primauté souveraine qui apparaît comme l’avenir du Droit International Public.


II. Une primauté souveraine : l’avenir du Droit International Public

A. Une primauté incertaine pour un droit sibyllin


Comme nous l’avons vu précédemment malgré l’affirmation et la reconnaissance du principe de primauté du Droit International Public, on a affaire à une pratique bien plus nuancée. Cette pratique nuancée vient directement de la carence d’organes spécifiques pour l’appliquer et la sanctionner. En effet force est de constater que le Droit International Public est un droit sans législateur, doté d’une autorité variable et aux effets relatifs. Sans législateur, comme nous avons certainement eu l’occasion de le dire parce que les états sont à la fois les sujets et les acteurs du Droit International Public. Il n’y a donc pas de structure législative indépendante, dotée d’un pouvoir propre.
Un droit à autorité variable car en effet il n’existe rien qui puisse parer l’autorité souveraine des états.
Et un droit aux effets relatifs car la quasi-totalité des obligations et des droits de l’ordre juridique international sont conditionnés par la volonté des états (traités, acte unilatéral, mécanisme des réserves, exception d’inexécution).Nuançons toutefois le propos en précisant que même si la volonté des états a une très grande importance en Droit International, il existe des limites à cette volonté, notamment concernant les traités qui doivent se conformer au JUS COGENS sous peine de nullité absolue. Quant au mécanisme de l’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus), il se heurte aux traités humanitaires, en effet ces traités bénéficient d’un régime juridique particulier, l’article 60 de la convention de Vienne précise qu’un état ne saurait faire jouer le principe de la non réciprocité pour ne pas exécuter les « dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités à caractère humanitaire ».
C’est donc une fiction que de croire qu’il puisse exister un droit régissant les rapports inter étatiques.

La personnalité juridique des Organisations Internationales

(ce devoir a été fait par Audrey MONTANTIN et Naïma ORVILLE)
INTRODUCTION
Winston Churchill, le célèbre premier ministre britannique des années 40, dont le sens de l’humour et de la formule sont légendaires, aurait dit que : « l’ONU n’a pas été créée pour conduire l’humanité au paradis, mais pour la sauver de l’enfer ». Moins généreux envers l’organisation, son ennemi français, Charles De Gaulle, appelait méprisamment l’ONU « le machin inefficace», tandis que les dirigeants Israéliens, qui se sont longtemps moqués de ses résolutions, l’ont un temps surnommée « United Nothing » (UNO, allusion au sigle anglais).
Abhorrée par les uns, adorée par les autres, tantôt saluée pour ses accomplissements politiques et diplomatiques tantôt impitoyablement critiquée pour ses ratés l’organisation que dirige depuis peu Ban Ki Moon ne laisse personne indifférent. Basée à New York, l’ONU, qui porte fièrement ses 60 ans, est certes lente - comme toutes les machines diplomatiques et bureaucratiques mais en ces temps troublés où les ambitions de quelques États puissants et surarmés menacent constamment d’ouvrir les portes de l’enfer, pour les peuples et les États qui n’acceptent pas leur diktat, l’organisation née en 1945, sur les décombres de la Société des Nations, est plus que jamais nécessaire. Ne serait-ce que pour éviter aux petits États que la loi du plus fort soit la règle régissant les relations entre les peuples et les États, autrement dit pour « civiliser les relations internationales ». Exactement le rêve des pères fondateurs de l’institution.
S’il est évident que les exigences de la vie internationale ont poussé les états à s’unir autour d’un traité dotée d’une constitution et d’organes communs possédant une personnalité juridique distincte de celle des états membres afin de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ».
L’ONU qui aujourd’hui représente l’organisation la plus élevée et aussi celle qui a la plus grande représentativité s’est vu reconnaître tardivement la personnalité lui permettant d’opposer ses actes à l’ensemble des états de la communauté internationale.
C’est cette décision implicite de reconnaître une personnalité internationale à l’ONU qui fait l’objet de l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 11 Avril 1949 Réparation des dommages subis au service des Nations Unies.
Cet avis a fait suite à la mort en service de l’un des agents de l’ONU en 1948, le comte Folke Bernadotte, envoyé par elle comme médiateur en Palestine (Israël). C’est posé la question de savoir si l’ONU avait la qualité pour présenter contre le gouvernement responsable une réclamation internationale en vue d’obtenir réparation des dommages causés à elle-même comme à la victime ou à ses ayants droit. La Cour Internationale de Justice a répondu à cette interrogation en proposant une analyse de la qualité même ainsi que la capacité d’agir d’un sujet de droit international : l’ONU.
L’avis qui représente la genèse de la reconnaissance nouvelle de la personnalité internationale de l’ONU (I), entraine des conséquences sur la capacité juridique d’agie de l’ONU (II).


I.La reconnaissance de la personnalité internationale de l’ONU

Si l’avis de la Cour Internationale de justice constitue une décision nouvelle que certains qualifient d’audacieuse (A), c’est certainement parce qu’elle fonde la personnalité de l’ONU sur ses missions (B).


A. Une décision nouvelle et audacieuse

La reconnaissance de la personnalité juridique internationale des organisations internationales est le fruit d’une suite d’incohérences juridiques. Les Etats étaient au départ, selon les juristes de droit international, les seuls à bénéficier de la personnalité juridique internationale. Ainsi, une organisation internationale telle que la Commission Européenne du Danube, possédant des pouvoirs d’administration, de réglementation et de juridiction en matière de navigation sur une partie du fleuve, se voit dans une impasse juridique. Face à ce problème les Etats membres de cette organisation n’ont pas trouvé d’autre justification que de nommer l’organisation « Etat fluvial ». Là se trouve l’incohérence juridique, et l’idée de la reconnaissance de la personnalité juridique internationale aux organisations internationale commence à poindre.
Et c’est la Société Des Nations (SDN) qui développera timidement cette idée, et qui donc commencera à voir une personnalité juridique en dehors du moule étatique. Cette nouvelle perception inspirera la Cour Permanente Internationale de Justice (CPIJ) qui modifiera sa vision sur la nature juridique de la Commission Européenne du Danube. Pour la CPIJ, la possession de compétences internationales est enfin dissociée de la possession de la souveraineté. Mais la personnalité juridique internationale des organisations internationales n’est pas encore reconnue. Il faudra attendre notre avis de la C.I.J. (Cour Internationale de Justice) du 11 avril 1949.
La Charte des Nations Unies ne contenant aucune disposition faisant apparaître la présence d’une quelconque personnalité internationale de l’organisation , la Cour Internationale de Justice a donc dû procéder à une interprétation particulière pour l’admettre.

Sachant que les organisations internationales existent grâce aux états et que cette personnalité entraine inévitablement une certaine autonomie d’action vis-à-vis des états fondateurs et même des autres. Il est donc compréhensible que les Etats par peur d’une trop grande autonomie des OI aient été si longtemps réticents à la reconnaissance systématique de leur personnalité internationale. En effet la reconnaissance de la personnalité internationale revient à accorder à l’OI la capacité d’agir de façon autonome dans le cadre des relations internationales. L’organisation internationale va engager sa volonté de manière autonome, elle n’aura pas besoin de l’accord des états membres pour conclure un traité, mener des actions diplomatiques ou encore recruter du personnel et c’est à ce sujet que l’on peut parler de « piège de l’inter étatisme ». La décision de la Cour paraît sans nul doute audacieuse !

B. Une personnalité fondée sur les missions de l’ONU


La personnalité juridique internationale de l’ONU n’est pas expressément reconnue dans la charte constitutive. Malgré deux articles mentionnant et y faisant référence (article 104 et 105) les dispositions de cette charte ne mentionnent pas clairement une capacité juridique internationale pour l’ONU. Pour conclure à la personnalité internationale de l’ONU la Cour va suivre un raisonnement en deux étapes. En s’appuyant dans un premier temps sur la permanence de l’ONU et sur certains éléments de sa structure, la Cour a d’abord posé que l’organisation possédait bien une personnalité juridique. Pour affirmer le caractère international de cette personnalité elle a évoqué les missions internationales de l’ONU : maintenir la paix et la sécurité internationales, développer les relations internationales entre les nations, réaliser la coopération internationale dans l’ordre économique, intellectuel et humanitaire. Pour que ces missions puissent être remplies l’organisation devait disposer, au moins implicitement, de la personnalité internationale. La Cour Internationale de Justice estime donc que « l’Organisation était destinée à exercer des fonctions et à jouir de droits (…) qui ne peuvent s’expliquer que si l’Organisation possède une large mesure de personnalité internationale et la capacité d’agir sur le pan international ».
Ainsi, il est vrai qu’on imagine difficilement que l’ONU puisse mettre en œuvre ses fonctions et accomplir ses missions sans que lui soit reconnue la personnalité juridique internationale.
La personnalité juridique internationale reconnue aux organisations internationales engendre donc des conséquences particulières.

II.Les conséquences de la reconnaissance de la personnalité internationale de l’ONU par la CIJ

Dans son raisonnement la CIJ est arrivée à la conclusion que l’ONU possède effectivement une personnalité juridique internationale, personnalité ayant pour conséquence la reconnaissance de certaines compétences (A) dont celle de faire des réclamations internationales, compétence qualifiée d’implicite (B).

A. Une capacité juridique d’agir se traduisant par des compétences propres.

L’ONU « était destinée à exercer des fonctions et à jouir de droits…qui ne peuvent s’expliquer que si l’Organisation possède une large mesure de personnalité internationale et la capacité d’agir sur le plan international ». La reconnaissance de la personnalité juridique internationale de l’ONU est donc étroitement liée à la nature et à l’étendue de ses compétences. C’est l’existence de ces compétences qui pousse à prendre acte de la personnalité internationale des organisations internationales. Mais le raisonnement peut aussi s’effectuer dans le sens contraire à savoir que les compétences de l’organisation sont déduites de sa personnalité juridique.
Les compétences de chaque organisation sont des pouvoirs juridiques reconnus aux organisations dont le choix est déterminé par leur adaptation aux fonctions prioritaires de chacune d’entre elles.
« On doit admettre que ses membres, en lui assignant certaines fonctions avec les devoirs et les responsabilités qui les accompagnent, l’ont revêtue de la compétence nécessaire pour lui permettre de s’acquitter effectivement de ces fonctions »
Les organisations et donc l’ONU disposent de toutes les compétences nécessaires à la réalisation de leur but mais uniquement de celles-ci en vertu du principe de spécialité qui lui-même qualifie la personnalité des organisations. Les organisations sont des sujets du droit international qui ne jouissent pas à l’instar des Etats de compétences générales. Comme on le sait elles ont à ce titre la capacité d’agir au moyen de structures et de compétences propres « les sujets de droit dans un système juridique ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l’étendue de leurs droits ». Ces compétences propres se subdivisent en 2 types de compétences celles qui sont dites explicites c’est-à-dire mentionnées dans le texte constitutif et celles dites implicites apparaissant lors du silence du texte constitutif.
Cependant ces 2 compétences sont régies par le principe de spécialité c'est-à-dire dotées par les états qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donne pour mission de promouvoir C.I.J. avis OMS du 8 juillet 1996, Dans cette affaire la Cour a estimé que reconnaître à l’OMS la compétence de traiter de la licéité de l’utilisation des armes nucléaires équivaudrait à ignorer le principe de spécialité et ceci malgré l’effet des armes sur la santé et l’environnement, cette compétence ne saurait être considérée comme nécessairement impliquée par la constitution de l’organisation du fait des missions attribuées par ses fondateurs. Ce principe est fondé comme la théorie des établissements publics en droit interne d’après laquelle les OI constituent des moyens pour la poursuite en commun d’objectifs d’intérêt général. La notion d’organisation internationale fait l’objet d’un rapprochement avec la notion de service public en droit administratif français. Les compétences de l’ONU n’échappent donc pas au principe.

B. La compétence implicite de faire des réclamations internationales

« …s’ils ne sont pas expressément énoncé dans la Charte, sont, par une conséquence nécessaire, conférés à l’Organisation en tant qu’essentiels à l’exercice des fonctions de celle-ci ». La Cour a reconnu à l’ONU la compétence de faire des réclamations internationales en se basant sur la théorie des compétences implicites (il est toutefois important de signaler que cet acte qu’est la réclamation internationale vient se conjuguer à 4 autres droits ou obligations tels que celui de protéger ses agents, être demandeur ou défenseur devant les tribunaux internationaux mais aussi voir sa responsabilité internationale mise en jeu).
La doctrine est d’accord pour faire remonter l’origine de cette théorie à une jurisprudence ancienne de la Cour suprême des Etats-Unis élaborées sous l’impulsion du juge Marshall. Cette juridiction a reconnu à l’état fédéral le droit d’adopter des actes qui n’étaient pas expressément autorisés par la constitution fédérale. (Affaire Mc Culloc c. Maryland, 1819). Par conséquent malgré le fait que la compétence de faire des réclamations internationales ne soit pas expressément énoncée dans la Charte constitutive de l’ONU, la CIJ lui reconnaît cette capacité en tant qu’essentielle à l’exercice des fonctions de celle-ci. Suite à cette décision la Cour fera une application constante de la théorie des compétences implicites (sud-ouest Africain, 11juillet 1950, Certaines dépenses des Nations Unies, 20 juillet 1962, Namibie, 1971 ou encore Cameroun septentrional, 2décembre 1963).
Mais la compétence de faire des réclamations internationales pose le problème de l’opposabilité de cet acte dans le cas où (comme en l’espèce) elle s’adresse à un état qui n’est pas membre de l’OI.
« Cinquante états représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale avaient le pouvoir conformément au droit international de créer une entité possédant une personnalité internationale objective _ et non simplement une personnalité reconnue par eux-seuls _ ainsi que la qualité de présenter des réclamations internationales »
Par l’expression « personnalité internationale objective » il faut entendre que celle- ci s’oppose de fait et de droit à tous les acteurs de la scène internationale et non simplement comme le dit l’extrait par ceux qui l’ont crée. Rappelons donc que l’état d’Israël n’était pas encore membre de l’ONU ce qui ajoute à l’ampleur de la décision.
Il est remarquable de constater que cette solution s’oppose à la règle res inter alios acta (la chose convenue n’a pas d’incidence sur l’opposabilité aux tiers de la personnalité internationale « objective » de l’ONU .
A l’exception de l’ONU « le type le plus élevé d’organisations internationales » qui possède donc une personnalité internationale objective, les effets de la personnalité internationale des autres organisations ne concernent pas les états tiers car comme le souligne COMBACAU « on ne saurait prétendre que la solution dégagée par la CIJ dans cette affaire fonde n’importe quelle organisation à prétendre son existence opposable aux tiers s’ils ne l’ont pas reconnue »